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Bild: ESO

Big Bang

Irène Jacob
Big Bang, roman
Albin Michel 2019, ISBN 9782226442703

Big Bang, Irène Jacob

Ça se passait au CERN le 20 février dernier. La comédienne et actrice de cinéma Irène Jacob, fille du physicien des particules Maurice Jacob se présentait là, non comme comédienne, mais pour nous parler de sa propre vie... et nous invitait, souriante, à nous asseoir tous autour de la grande table de la bibliothèque. Elle était à vrai dire presque chez elle, dans les lieux familiers qu’elle arpentait dans son enfance, pour nous présenter son premier roman Big Bang, entourée d’anciens collègues de son père, en présence de sa mère et de ses frères... Et il s’agit bel et bien d’une biographie familiale, dont elle nous lit des extraits :

Ici, devant le deuil et la promesse de la vie, je me tiens et j'avance...

Irène Jacob, l'inoubliable interprète de « La Double Vie de Véronique », rapproche deux évènements simultanés et essentiels de sa vie : la disparition de son père - Maurice Jacob, qui a travaillé au département de physique théorique du CERN de 1968 à 2002, qu'il a dirigé de 82 à 88 - et la naissance de son enfant.

Elle raconte l’histoire de la vie naissante, de la gestation de son second fils, sur arrière-fonds du mystère d’une autre naissance majeure, celle de l’univers, dont son père a instillé l’imaginaire familial. Cette conscience du physicien qu’a son père, interrogateur de la nature, Irène Jacob l’a saisie avec beaucoup de justesse, d’amour, parfois même d’espièglerie, lorsqu’elle décrit la communication entre le monde de sa famille et celui de la physique. Elle interroge, avec la même curiosité que son père, ces passages essentiels du non-être vers la forme qui émerge : l’origine de la vie et cet enfant en elle qui la convie à la grande fête cosmique de la vie. Curiosité bien sûr chez le père, mais aussi pointe de nostalgie en pensant aux limites de notre connaissance, lorsque son père, au cours d’un repas entre amis s’explique sur les moments initiaux de l’univers : « avant 10-43 s, on ne sait plus très bien ».

Irène Jacob avec une belle sensibilité d’écriture exprime les choses subtiles de la vie, avec une apparente légèreté de langage et joie de vivre. Elle parle aussi d’un autre langage qu’elle connaît bien, celui du cinéma. Elle mentionne celui du cinéaste et ami Krzysztof Kieslowski qui s’ingénie à faire des coupes dans le scénario pour laisser le spectateur libre d’interpréter son histoire et d’y projeter sa propre compréhension. Son père, tirant un lien avec l’indétermination quantique, expliquait à Kieslowski « que le monde quantique était également une quête sans explications exhaustives et que, quand on croyait s’approcher d’un but, la porte s’ouvrait à d’autres questions nouvelles. Une partie du mystère s’échappait toujours avec sa révérence ».

Et sur le langage des physiciens ? Elle cite des moments savoureux où son langage à elle et celui de l’écriture de son roman, se confrontent, s’entrechoquent avec le langage écrit du physicien, en principe rigoureux et sans ambiguïté. Comme lorsqu’elle convie un collègue de son père, Bertrand, à scruter la justesse physique de son texte qui relate une visite au CERN qu’elle rendait, alors enfant, à son père :

- Et papa, avant le Big Bang ? Il y a quoi ?
- Eh bien... peut-être qu’il n’y a plus de temps ?
Bertrand m’écoute, le torse maintenant presque couché sur son bureau. Il se redresse brusquement dans le silence, comme si le téléphone venait de sonner, mais non, ce n’est pas ça, il regarde mon texte.
- Pourquoi tu as mis un point d’interrogation ?
- Où ?
- Ici : « Peut-être qu’il n’y a plus de temps – point d’interrogation. »
- Ah oui. Tu veux que je l’enlève ?
- Oui. « Peut-être qu’il n’y a plus de temps – Point. »
- Point ?
- Point.
Des lumières roses explosent à seize heures trente par les fenêtres. Plus de temps, point. La page est soulevée d’une audace que jamais je n’aurais osé prendre... Ainsi il n’y aurait plus de temps – point ? Aussi simple et affirmé que ça. Point.

Il y a dans ce livre de l’émerveillement qui rappelle celui de François d’Assise lorsqu’il célèbre la vie et la création et tutoie l’univers : « frère Soleil... frère Vent... sœur Eau... ... ». Mais dans Big Bang, cet émerveillement s’appuie sur les connaissances de la science d’aujourd’hui, qui à sa façon enchante aussi le monde. La physique, le firmament à perte de vue, le big bang, les surprises de la physique quantique, l’évolution darwinienne, tout ceci vient habiter l’espace familial. Ce roman cherche aussi à comprendre les motivations profondes, les questions de psychanalyse et d’empreinte familiale... la perception du temps, la brume des souvenirs ou les images à vif, les émotions, leurs manifestations explosives, le sommeil et les rêves ...

Il s’agit donc d’un roman biographique, sincère, lumineux, émouvant de tendresse : une introspection familiale où le miracle de la vie et de l’infiniment grand se mêlent. Ce livre résulte bien sûr d’une relation forte entre un père et une fille, entre lesquels le courant passait bien, passe toujours d’ailleurs, tant son père y est vivant. Maurice Jacob a donné des contributions décisives au formalisme d'amplitude d'hélicité pour la diffusion de particules élémentaires et a été président des Sociétés Française et Européenne de Physique. Un témoignage passionnant.

A. Pochelon

[Publié: juin 2020]